Espace d'accueil

Je suis née à Niono, au Mali.

Mes parents sont morts quand j'étais enfant. J'ai grandi chez ma tante, et quand elle est morte aussi, j'ai décidé de ne pas rester là, à attendre de mourir moi aussi. Le voyage pour arriver en Italie a été long, difficile et dangereux. Quand je suis arrivée à Trieste, j'étais effrayée, épuisée et sans espoir.

J'ai rencontré Marco au Dortoir Sant'Anastasio. Je ne comprenais pas l'italien et personne à part lui ne parlait un peu de français. Il est resté avec moi pendant que je dînais, me tenant compagnie et me racontant la Bora qui hurlait dehors. Je lui ai dit que j'avais froid, il a souri, s'est excusé et est parti en courant. J'ai pensé qu'il était parti, fatigué de rester près d'une inconnue venue de l'autre bout du monde avec qui il était difficile de parler et qu'il avait envie de rentrer chez lui, d'être avec sa famille. Mais quand il est revenu avec une couverture pour moi, j'ai pleuré.

C'est Marco qui m'a expliqué ce qu'était Caritas Diocesana Trieste et que d'autres personnes comme lui pouvaient m'aider non seulement à avoir un endroit où dormir et un repas chaud, mais aussi à reconstruire une vie et à trouver un endroit dans le monde où je pourrais enfin me sentir chez moi. Quand nous nous sommes dit au revoir, pour la première fois depuis des mois, j'ai eu l'impression qu'il y avait peut-être encore un peu d'espoir quelque part.

Chaque fois que je peux, je vais toujours donner un coup de main au Dortoir Sant'Anastasio, qui étant un lieu d'accueil nocturne, s'accorde bien avec mes horaires de travail. C'est un endroit incroyable, un carrefour de personnes et d'histoires qui parfois vous brisent le cœur.

De Amara, je me souviens de ses yeux baissés et de ses épaules voûtées pendant qu'elle mangeait et de la gêne stupide que j'ai ressentie à cause de la lenteur avec laquelle je lui parlais en français après des années depuis ma dernière tentative. Il y avait une grande bora ce soir-là, et pour une raison quelconque, il m'a semblé très important de lui parler de la différence entre la bora claire et la bora sombre. Quand elle m'a interrompu en me disant qu'elle avait froid, je me suis senti si bête que je n'ai pu que m'excuser et courir lui chercher une couverture. Je ne pensais pas qu'elle se mettrait à pleurer, pourtant…!

Je sais que le lendemain, elle a été accueillie par les services sociaux de Caritas Diocesana Trieste, qui lui ont apporté une assistance spécifique et l'ont soutenue alors qu'elle commençait lentement son parcours de réinsertion. Trieste n'est pas une ville facile, mais on m'a dit qu'Amara et son fort caractère ont tenu bon, pour ainsi dire. Je crois qu'elle fait maintenant un stage en vue d'une insertion professionnelle, et que cela se passe très bien.

Je l'ai croisée plusieurs fois dans la rue, en ville. Je ne sais pas si elle se souvient de moi, mais quand j'ai vu qu'elle avait la tête haute et le dos bien droit, j'étais vraiment heureux pour elle et cela m'a rappelé une fois de plus pourquoi il est si important de donner quelques heures de mon temps pour aider ceux qui n'ont pas ma chance.